Chroniques pour servir et remettre à l’endroit l’histoire du Maghreb est-il un livre d’histoire ?
D’éminents historiens ont écrit des livres remarquables sur l’Afrique du Nord. Moi, je suis un passionné d’Histoire. Comme son nom l’indique, cet ouvrage est plutôt une chronique des événements passés au Maghreb.
Cependant un chapitre de votre livre est consacré à l’histoire de l’empire ottoman ?
Oui, je rappelle que l’empire ottoman s’est étendu sur tout le balcon sud du bassin méditerranéen. Les régences d’Alger, de Tunis, de Tripoli furent des possessions turques qui le resteront pendant plus de trois siècles. Parlant de l’empire ottoman – seul empire ayant eu une telle longévité – comment passer sous silence l’armée des janissaires, fer de lance de cet empire ? Première armée de métier du monde, originale par son recrutement, sa discipline, sa bravoure, son obéissance, sa fidélité sans limite au sultan. Les chevaliers européens braves, mais indisciplinés subiront de sévères défaites face aux janissaires.
Votre livre met en évidence un pan de l’histoire occulté pour des raisons incompréhensibles…
L’Afrique du Nord fut le passage obligé de toutes les invasions. Contrée vouée à la violence, elle a subi successivement l’occupation des Phéniciens, des Romains, des Byzantins, des Vandales, des Arabes. Dominations quelquefois bénéfiques, mais qui, dans tous les cas, vont avoir de lourdes conséquences sur les sociétés européennes, notamment celles du pourtour méditerranéen.
Je reprends le titre de votre livre : pourquoi « remettre à l’endroit » l’histoire du Maghreb ?
L’enseignement de l’Histoire en France est construit sur des impostures et des omissions. On « oublie » de parler de la présence sarrasine en Provence qui dura près de cent ans. Mais alors pourquoi le Canet des Maures, le massif des Maures, la forêt des Maures ? Les Échelles de Barbarie et du Levant sont oubliées dans les programmes scolaires. Pourtant, grâce aux Capitulations signées entre François Ier et Soliman le Magnifique, un empire commercial français va se créer et prospérer avec succès pendant plus de deux siècles – malgré bien des vicissitudes – à l’ombre de l’empire ottoman. Oubliée aussi l’action des pirates barbaresques en Méditerranée qui firent régner la terreur sur tout le sud de l’Europe pendant plus de trois siècles.
Que dire enfin des impostures… Je veux rétablir, avec l’aide d’historiens, la vérité sur les origines et les causes véritables de l’expédition française contre la Régence turque d’Alger en 1830, le « fabuleux » trésor de la Casbah d’Alger, les bombardements de représailles de la ville.
Pourquoi Chroniques, titre principal de votre livre…
Les chroniques sont une suite d’événements obscurs qui ont marqué toute l’histoire du Maghreb. Tout d’abord la Kahéna, considérée comme la Jeanne d’Arc berbère par certains historiens. À l’opposé, certains auteurs mettent en doute la véracité de son histoire. Je consacre un chapitre de mon livre à la vie quotidienne dans la Régence d’Alger. Certains personnages hors du commun méritent une attention particulière : Yusuf, mamelouk du bey de Tunis et général de l’armée française… Léon Roches, secrétaire de l’émir Abd-el-Kader et espion au service de la France… Je rappelle les accords peu connus entre le général Clauzel et le bey de Tunis (1830-1831). Enfin cet ouvrage se termine par la mission du colonel Flatters au Hoggar en raison de son caractère hautement symbolique. « Combattants de l’inutile », le courage, l’abnégation, l’endurance, le sacrifice de ces hommes n’auront servi à rien.
Chroniques pour servir et remettre à l’endroit l’histoire du Maghreb, Roland Courtinat, Éditions Dualpha, collection « Vérités pour l’Histoire », dirigée par Philippe Randa, 586 pages, 45 euros.
* Si ringrazia F. Dutilleul